Sujet 1: Rappels sur la théorie des nombres et sur les corps finis

Rédacteur: Samuel Monnier

A traiter [Modifier]

  • Extensions de corps
  • Corps finis: structure, clôture algébrique
  • Groupe multiplicatif d'un corps fini, éléments primitifs
  • Automorphisme de Frobenius, Théorème C.1
  • Proposition C.3

Extension de corps [Modifier]

Un corps \( L \) est une extension d'un corps \( K \) si \( K \) est un sous-corps de \( L \).

Soit \( L \) une extension de \( K \). Un élément \( l \) de \( L \) est algébrique sur \( K \) si \( l \) est solution d'une équation polynomiale à coefficients dans \( K \). Par exemple, \( \sqrt{2} \in \mathbb{R} \) est algébrique sur \( \mathbb{Q} \) parce que \( \sqrt{2} \) est solution de l'équation polynomiale \( x^2 - 2 = 0 \). Tous les éléments de \( K \) sont algébriques sur \( K \). Un élément qui n'est pas algébrique est dit transcendant.

Une extension \( L \) de \( K \) est algébrique si tous les éléments de \( L \) sont algébriques sur \( K \).

La clôture algébrique \( \bar{K} \) de \( K \) est l'extension algébrique de \( K \) telle que tout polynôme non-constant à coefficients dans \( \bar{K} \) a une solution dans \( \bar{K} \), c'est-à-dire que \( \bar{K} \) est algébriquement clos. La clôture algébrique existe toujours et est unique à isomorphisme près. \( C \) est la clôture algébrique de \( \mathbb{R} \).

Corps finis [Modifier]

Pour tout nombre premier \( p \) et entier strictement positif \( n \), il existe un corps fini à \( p^n \) éléments, noté \( \mathbb{F}_{p^n} \), unique à isomorphisme près. \( p \) est la caractéristique du corps.

Structure

\( \mathbb{F}_{p} \) est isomorphe à \( \mathbb{Z}_{p} \) en tant qu'anneau. Mais attention, \( \mathbb{F}_{p^n} \) n'est pas isomorphe à \( \mathbb{Z}_{p^n} \) en tant qu'anneau lorsque \( n > 1 \).

\( \mathbb{F}_{p^n} \) peut être construit à partir de l'anneau \( \mathbb{Z}_{p}[x] \) des polynômes à coefficients dans \( \mathbb{Z}_{p} \), en le quotientant par l'idéal engendré par un polynôme irréductible de degré \( n \). Ceci implique que l'on a \( px = 0 \) pour tout \( x \in \mathbb{F}_{p^n} \).

Groupe multiplicatif d'un corps fini

On rappelle que l'ordre d'un groupe fini est le nombre de ses éléments. L'ordre d'un élément \( g \) d'un groupe est le plus petit entier strictement positif \( k \) tel que \( g^k = 1 \). Le théorème de Lagrange dit que

  1. l'ordre d'un sous-groupe \( H \) d'un groupe fini \( G \) divise toujours l'ordre de \( G \);
  2. l'ordre d'un élément \( g \) d'un groupe fini \( G \) divise toujours l'ordre de \( G \).

Le groupe multiplicatif \( \mathbb{F}_{p^n}^\times \) de \( \mathbb{F}_{p^n} \) est isomorphe à \( \mathbb{Z}_{p^n - 1} \), et est donc cyclique d'ordre \( p^n - 1 \). Il est clair que \( \mathbb{F}_{p^n}^\times \) doit avoir \( p^n - 1 \) éléments, vu que dans un corps, tous les éléments sont inversible multiplicativement à l'exception de 0 (l'élément neutre de l'addition).

De ce qui précède, on déduit immédiatement que \( \mathbb{F}_{p^n}^\times \) contient un sous-groupe cyclique d'ordre \( m \) si et seulement si \( m \) divise \( p^n - 1 \) (Proposition C.3 de [1]).

Un générateur de \( \mathbb{F}_{p^n}^\times \) est un élément primitif de \( \mathbb{F}_{p^n} \). \( \mathbb{F}_{p^n}^\times \) est l'extension de corps de \( \mathbb{F}_{p} \) engendrée par l'unique adjonction d'un élément primitif \( \alpha \) d'ordre \( p^n -1 \), c'est-à-dire tel que \( \alpha^{p^n -1} = 1 \). (Plus précisément, \( \mathbb{F}_{p^n}^\times \) est le corps de décomposition associé au polynôme \( x^{p^n} - x \).)

Clôture algébrique

\( \mathbb{F}_{p^m} \) a un unique sous-corps isomorphe à \( \mathbb{F}_{p^n} \) si et seulement si \( n \) divise \( m \).

La clôture algébrique \( \bar{F}_p \) de \( \mathbb{F}_p \) est la limite directe du système \( \{\mathbb{F}_{p^n} \}_{n \in \mathbb{N}} \) équipé des isomorphismes ci-dessus [5]. Plus concrètement [6],

\( \bar{\mathbb{F}}_p = \bigsqcup_{n \in \mathbb{N}} \mathbb{F}_{p^n} / \sim \;,\)

\( \bigsqcup \) est l'union disjointe et \( \sim \) est la relation d'équivalence engendrée par les isomorphismes \( \mathbb{F}_{p^n} \hookrightarrow \mathbb{F}_{p^m}, n|m \). (Ceci n'est pas expliqué correctement dans l'Appendice C de [1].)

Théorème (C.1 de [1]): Soit \( \bar{\mathbb{F}}_{p} \) la clôture algébrique de \( \mathbb{F}_p \) et soit \( q = p^n \). Alors

\( \mathbb{F}_q = \{ x \in \bar{\mathbb{F}}_{p} | x^q = x \} \)

Preuve: Comme \( \mathbb{F}^\times_q \) est cyclique d'ordre \( q - 1 \), \( x^{q-1} = 1 \) pour tout \( x \in \mathbb{F}^\times_q \), ce qui implique que \( x^q = x \) pour tout \( x \in \mathbb{F}_q \). (Le cas de \( 0 \notin \mathbb{F}^\times_q \) est trivialement vérifié.)
On va maintenant prouver que le membre de droite contient \( q \) éléments. Comme \( \mathbb{F}_q \) contient lui aussi \( q \) éléments et que l'on vient de montrer l'inclusion \( \subset \), ceci impliquera l'égalité.
Il faut montrer que le polynôme \( x^q - x \) a \( q \) racines distinctes dans \( \bar{\mathbb{F}}_{p} \). Un polynôme a au moins une racine multiplie si et seulement si il partage un zéro avec sa dérivée. Mais la dérivée est \( qx^{q-1} - 1 = -1 \), où l'on a utilisé le fait que l'on travaille en caractéristique p, et donc que \( qy = 0 \) pour tout \( y \in \bar{\mathbb{F}}_{p} \). Ceci implique que toutes les racines de \( x^q - x \) sont distincte, et donc que le membre de droite contient \( q \) éléments, ce qui termine la preuve comme expliqué plus haut. \( \blacksquare \)

Automorphisme de Frobenius

Tout nombre premier \( p \) divise les coefficients binomiaux \( \binom{p}{i} \) pour \( 0 < i < p \). Ceci implique que dans tout corps \( \mathbb{F}_{p^n} \) de caractéristique \( p \), \( (x + y)^p = x^p + y^p \). Comme on a évidemment \( 1^p = 1 \) et \( (xy)^p = x^p y^p \), l'opération \( x \mapsto x^p \) est un endomorphisme de corps. On peut prouver que c'est en fait un automorphisme: l'automorphisme de Frobenius de \( \mathbb{F}_{p^n} \). Tous les automorphismes de \( \mathbb{F}_{p^n} \) sont des itérations de l'automorphisme de Frobenius.

Références [Modifier]

[1] Lawrence C. Washington, Elliptic Curves: Number Theory and Cryptography, Appendices A et C.
[2] Extension de corps sur Wikipedia
[3] Elément algébrique sur Wikipedia
[4] Corps fini sur Wikipedia
[5] Finite field - algebraic closure sur Wikipedia
[6] Direct limit sur Wikipedia